Valoriser les dessous de pylônes

Optimiser ou valoriser des zones inutilisées va dans le sens d’un mode de gestion très actuel où l’on cherche à maximiser les potentialités d’un territoire, quelle que soit son échelle.

C’est une thématique qui a mobilisé des agriculteurs du Centre, au travers de l’action de l’association Hommes et Territoires, sur la question des infrastructures agroécologiques en plaine céréalière. « Nous avons commencé les études sur le sujet en 2009, en nous penchant sur les rôles que pouvaient jouer des zones herbacées pérennes comme les bords de chemin et de routes, puis les dessous de pylônes », expose Caroline Le Bris, chargée d’études en agroécologie chez Hommes et Territoires. Elle poursuit : « Nous souhaitions vérifier et démontrer que les bordures et autres éléments herbacés pouvaient présenter un intérêt pour améliorer la biodiversité en plaine céréalière sans causer des développements d’adventices au sein des parcelles. »

Valoriser les dessous de pylônes. Photo Hommes et territoires

 

Les suivis menés dans trois départements en partenariat avec le réseau Agrifaune et de nombreux partenaires(*) ont duré 4 ans. Riches en enseignements, ils ont amené plusieurs résultats concrets et ont permis d’élaborer des conseils pratiques de gestion des zones herbacées.

 

Une faune et une flore plus riches

Sur le plan des atouts d’abord, il est apparu que les zones herbacées étaient pourvoyeuses d’une richesse en espèces végétales sauvages par ailleurs peu présentes en plaine céréalière. Ces zones ont révélé leur rôle de refuge pour des insectes pollinisateurs mais aussi pour des insectes rampants diversifiés consommateurs de ravageurs des cultures comme des arachnides, myriapodes, staphylins...

Répartition des arthropodes sur les parcelles témoins. Source : Hommes et Territoires et Agrifaune

Les arthropodes comme les carabes, staphylins… sont plus abondants et diversifiés dans les zones herbacées (bordures ou dessous de pylône) que dans le champ cultivé.

Source : Hommes et Territoires et Agrifaune

«  Il s’agit de milieux à gros potentiel pour la biodiversité, mais qui sont souvent méconnus et gérés d’une manière qui ne permet pas de profiter de leurs atouts, expose Caroline Le Bris. Ces zones sont notamment suspectées de favoriser le développement d’adventices dans les parcelles. Or les espèces qui constituent ces éléments herbacés sont une flore prairiale pérenne qui n’est pas adaptée au milieu perturbé qu’est la parcelle cultivée. » L’association a ainsi relevé que 81% des espèces identifiées en bordure ne sont jamais observées dans les parcelles.

 

Privilégier les broyages entre septembre et avril

Pour que le potentiel de ces refuges de biodiversité puisse s’exprimer au mieux, des modifications de pratiques s’avèrent nécessaires : broyage trop précoce ou gestion chimique se sont montrés défavorables à la biodiversité. Les fauchages ou broyages trop anticipés étaient même sources de contaminations possibles par des adventices. « Dès lors que le milieu est perturbé, les espèces annuelles sont favorisées, or celles-ci sont aptes à s’installer dans la parcelle », déclare Caroline Le Bris.

Parmi les modalités comparées, l’association Hommes et Territoires a mesuré durant 4 ans les effets de trois périodes de broyage des zones herbacées : un réalisé à l’identique des pratiques habituelles du secteur, autour de mai-juin, un réalisé plus tôt, en avril, et un autre plus tardif, en septembre.

Effets de trois périodes de broyage des zones herbacées. Source : Hommes et Territoires et Agrifaune

Broyer les bordures en juin cause une diminution significative de l’abondance et de la diversité des insectes floricoles (bourdons, abeilles, syrphes et papillons) qui visitent la zone herbacée en juillet et en août.

Source : Hommes et Territoires et Agrifaune

Les résultats se sont montrés édifiants : une fauche ou un broyage avant ou après la période habituelle permettait l’installation d’une faune et d’une flore beaucoup plus riches et abondantes.

Le fait de laisser des espèces floricoles plus longtemps en place favorise notamment les pollinisateurs. Sur les montées en graines possibles occasionnées par ces pratiques, nul problème à signaler dans la parcelle.

« L’idéal serait de réaliser les fauches en deux temps lorsque cela est possible, soit une partie des parcelles vers le mois d’avril et l’autre autour de septembre, de manière à conserver des abris pour les auxiliaires, propose Caroline Le Bris. Dans tous les cas, même avec un seul passage, il est conseillé d’intervenir entre septembre et avril plutôt qu’en mai-juin. Et lorsque des montées en graines d’espèces indésirables sont à craindre sur certaines zones, il est alors conseiller de les faucher au-delà d’une quinzaine de centimètres : cela préserve la faune située en dessous et évite la mise à nu du sol », souligne-t-elle. La vigilance est de mise toutefois en présence d’ergot, situation où il est alors préférable de privilégier les fauchages précoces.

Les apports d’azote dans les bordures liés à un épandage trop large dans la parcelle ou même issus des résidus de fauche sont également un point à contrôler dans la mesure du possible : « Les adventices indésirables sont souvent nitrophiles », prévient Caroline Le Bris.

 

Des bordures semées avec des mélanges d’espèces

Une autre possibilité étudiée par l’association Hommes et Territoires et le réseau Agrifaune a concerné le semis des zones herbacées en place de l’enherbement naturel. « Nous avons testé plusieurs mélanges créés à partir d’espèces locales, soit 7 mélanges constitués de 7 à 30 espèces. Le semis offre la possibilité de recréer une zone qui serait naturellement trop peu diversifiée ou envahie d’espèces non souhaitées comme le chardon. »

L’association conseille alors de préparer un lit de semence fin adapté aux petites graines puis de semer le mélange entre mi-septembre et mi-octobre en veillant à le mélanger avec de l’argile tout en le brassant régulièrement pour éviter le tri des semences de tailles différentes. Puis un roulage favorise le bon contact sol-graine. « Un mélange constitué de 60% de graminées et de 40% de dicotylédones se montre bien adapté aux objectifs. Concernant les graminées, celles-ci ne doivent pas être trop compétitives : il faut éviter (ou utiliser en faible proportion) la fétuque élevée et le dactyle aggloméré et leur préférer le fromental, l’avoine à chapelets ou la fétuque rouge », déclare Caroline Le Bris.

Aménagement : valoriser les dessous de pylônes. Photo Hommes et Territoires

Quant aux dicotylédones, le mot d’ordre est la diversification pour varier les types de fleurs et étaler les périodes de floraison : légumineuses (trèfle blanc, luzerne lupuline…), astéracées (achillée millefeuille, centaurée jacée…) et apiacées (fenouil commun, aneth ou carotte sauvage… en dehors des zones de multiplication de semences) pour favoriser les abeilles sauvages et les syrphes. « Le choix doit cibler des espèces adaptées à la région et au sol, qui sont observées localement, précise Caroline Le Bris. Nous conseillons aux agriculteurs de prendre garde à la provenance des semences, et de préférer le plus local possible. »

L’entretien de ces bandes semées est ensuite similaire aux zones naturelles, avec un écimage avant montée en graines les premières années si quelques adventices sont présentes, puis ensuite un broyage ou fauchage si nécessaire entre septembre et avril (avec exportation autant que possible), pour éviter l’embroussaillement.

(*) Réseau Agrifaune constitué de l’ONCFS, des chambres d’agriculture et fédérations de chasseurs d’Eure-et-Loir et du Loiret et de l’association H&T. Les autres partenaires des projets sont RTE, CETU Innophyt, Université de Tours, Nova Flore, IRSTEA, Syngenta, conseil départemental 45 et les Pays et GAL Loire Beauce.

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