Il teste le prébuttage d'été des pommes de terre

Prébuttage des pommes de terre.

Fabien Monte s’initie à la technique du prébuttage d’été des pommes de terre depuis 2018. Si la technique est encore loin d’être menée en routine, le chef de culture y voit déjà de nombreux avantages dont le rendement et la lutte contre l’érosion.

La technique n’étant encore qu’à ses prémices, Fabien Monte, chef de cultures de la SCEA Dequidt, n’a pas encore mis en jeu la totalité de sa surface de pommes de terre. Lors de son premier essai, sur la campagne 2018/2019, il a pratiqué le prébuttage d’été sur 3 ha seulement. Pour la campagne qui se termine, 3,5 ha étaient menés de la sorte et autant le seront l’année prochaine. Le résultat est plutôt probant : 3 t/ha de rendement en plus qu’avec l’itinéraire classique. S’il ne juge pas la différence significative, il estime que la technique a au moins autant de potentiel que ce qui se pratique par ailleurs. Fabien Monte juge qu’actuellement les deux restent complémentaires : « L’itinéraire classique permet de commencer les plantations plus tôt car le sol est mieux ressuyé. Il faut être plus patient avec le prébuttage car la butte n’est pas ouverte avant la plantation. Le sol doit donc se ressuyer par lui-même. » Cela n’a pas empêché Fabien Monte de réaliser, en 2019, la plantation derrière prébuttage dans la foulée de l’autre technique de préparation de sol, sans attendre plus longtemps.

L’itinéraire du couvert essentiel à la technique

« Au moment de la plantation des pommes de terre, il faut éviter d’avoir de gros volumes de débris à la surface de la butte, remarque Fabien Monte. Il est donc indispensable que le couvert soit réduit à son strict minimum au printemps. » Si l’objectif est de se passer de glyphosate avec des espèces gélives, le chef de culture n’hésite pas à user du désherbant total dès le mois de janvier si le couvert n’a pas gelé avant pour qu’il soit déjà bien dégradé au moment de la plantation des pommes de terre. Le recours au broyeur de fanes est aussi une solution à envisager pour se passer de glyphosate.

En 2018, Fabien Monte a semé dans la butte un mélange d’avoine, de trèfle d’Alexandrie, de pois et de phacélie. En 2019, il a implanté de nouveau de l’avoine, de la phacélie et du trèfle d’Alexandrie mais a remplacé le pois par de la moutarde. L’objectif est avant tout que les racines prospectent l’intégralité de la butte préformée pour assurer un sol grumeleux aux pommes de terre au printemps suivant. Reste désormais à identifier le meilleur mélange possible et à assurer la répartition homogène du couvert végétal sur les buttes et entre elles. Le matériel imaginé et créé par trois collègues du CFPPA du Pas-de-Calais nécessite encore quelques ajustements pour assurer le bon placement des graines sur l’intégralité de la surface. Au-delà du matériel utilisé, le fait de travailler le sol en plein été – « au plus tard au cours de la seconde quinzaine du mois d’août » –, pour former les buttes, tend à évaporer le peu d’humidité présent dans le sol et rend donc difficile la levée des couverts si la parcelle ne bénéficie pas d’un orage. Beaucoup de points restent à caler mais la technique est déjà prometteuse aux yeux de Fabien Monte.

Itinéraire cultural des pommes de terre au fil de la campagne 2020/2021

Le 16/07/2020 : l'escourgeon est récolté pour un rendement de 103 q/ha. Soit la moyenne du secteur. La paille est broyée et restituée au sol. 

 

Le 08/08/2020 : déchaumage à 10 cm de profondeur et à 12 km/h à l’aide d’un dé

Déchaumeur à dents Horsch. Crédit photo : Fabien Monte
chaumeur à dents Horsch dont l’écartement entre dents est de 33 cm. Le réappui du sol est assuré par un rouleau à ressorts Rollflex. « L’objectif est double, précise Fabien Monte. Bien mélanger la paille au sol pour la répartir dans un volume de terre suffisant afin que sa dégradation soit initiée et réaliser un faux semis. » Un orage de 50 mm de pluie autour au 15 août a fortement participé à la levée des repousses du précédent… assurant l’effet recherché.

 

Le 28/08/2020 : second déchaumage à l’aide du même matériel mais à une profondeur de 20 cm. L’objectif ici est de « créer » de la terre et de « casser le fond » en prévision du prébuttage. C’est aussi l’occasion de mélanger les résidus de la culture précédente avec un volume de terre plus important et de réaliser un dernier désherbage mécanique. À la faveur des 100 mm de pluie tombés durant le mois d’août, cette intervention mécanique offre un très bon résultat pour l’agriculteur.

 

Deux heures à peine après, Fabien Monte réalise le prébuttage d’été. La succession de chaleur et de pluie au mois d’août favorise le bon émiettement du sol. La butteuse travaille à 22 cm de profondeur et forme « de belles buttes avec beaucoup de terre fine » selon Fabien Monte. Le chef de culture en profite pour implanter un couvert multi-espèces à raison de 21 kg/ha pour le mélange qui comprend 7 kg/ha d’avoine, 8 kg/ha de vesce velue, 3 kg/ha de phacélie et 3 kg/ha de trèfle d’Alexand

semence de couvert végétaux multiespèces. Crédit photo : Fabien Monte
rie grâce au semoir intégré sur la butteuse. Afin de comparer la technique, il a aussi réalisé le semis avant le prébuttage avec son semoir à céréales sur une partie de la parcelle. Il pourra comparer les résultats dans quelques mois. En attendant, la parcelle reçoit 20 mm de pluie le soir même du prébuttage. « Ce qui ne peut être que favorable pour la bonne implantation du couvert », espère-t-il.

 

Le 20/12/20 : Pulvérisation de 2,5 l/ha d'Highland (480g/l de glyph

Couvert végétal sur prébuttage d'été en prévision de pommes de terre implantées en direct. Crédit photo : Fabien Monte
osate) afin de détruire le couvert végétal qui a poussé sur et entre les buttes pré-formées. Le couvert a généré presque 3 tMS/ha quelque soit le mode de semis. La date de destruction peut sembler précoce, mais Fabien ne veut surtout pas pertuber la plantation en direct des pommes de terre par un trop grand volume de résidus. L'année passée, la destruction a eu lieu au mois de février et les résidus ont fortement pénalisé la qualité d'implantation. L'herbicide total a montré un efficacité sur toutes les espèces du couvert, sauf une : la phacélie. Ce qui incitera Fabien à ne pas la réintégrer au mélange l'année prochaine. Si le développement de la biomasse s'avère similaire entre les deux modalités de semis avec des couverts mesurant 20 à 30 cm au moment de la destruction, le chef de culture a observé des différences d'homogénéité qui ne peuvent pas être imputées à la pluviométrie. Depuis le 1er septembre, il est tombé 480 mm sur la parcelle. Ainsi, il a remarqué que la partie de la parcelle où le couvert végétal a été semé au
Système racinaire du couvert végétal dans butte pré-formées à l'été qui précède l'implantation de pommes de terre. Crédit photo : Fabien Monte
semoir à céréales avant le prébuttage arbore une meilleure répartition du couvert entre les buttes, sur leur flan et à leur sommet. Là où le semis a été réalisé avec le semoir intégré à la butteuse, le couvert est moins bien réparti et davantage concentré sur le sommet de la butte. La différence est flagrante sur les premiers stades du couvert et s'estompe avec son développement végétatif. Dans la butte, il semble toutefois y avoir une densité racinaire plus importante avec le semis en plein. Malgré ce constat, Fabien Monte maintient que son objectif est de réaliser l'opération de semis des couverts et le pré-buttage en un seul passage, quitte à utiliser une trémie frontale s'il le faut et augmenter la densité de semis de 10 à 20 %.

 

Le 14/04/21  : Apport de 155 unités d'azote par hectare environ une semaine avant le semis. L'apport est réalisé en plein. Fabien Monte n'a pas identifié de perte de rendement liée à cet épandage en plein alors que les buttes sont déjà formées. Il ne souhaite d'ailleurs pas localiser la dose sur la butte pour rationaliser le matériel sur l'exploitation. Le même jour sont également épandus du phosphore et de la potasse à raison respectivement de 62 et 265 unités.

 

Le 22/04/21 : Plantation en direct des pommes de terre à raison de 35 000 plants/ha de la variété Amigo non traités. Les résidus de couverts végétaux sont suffisamment dégradés pour ne pas gêner la plantation. Le "Discopla

Plantation de pommes de terre en direct dans une butte pré-formée à l'été précédent. Crédit photo : Fabien Montée
nt" - comme le nomme Hugues Celerse, l'un de ces co-concepteur -, qui permet de couper la butte en deux juste avant que la planteuse place les pommes de terre dans la butte sans l'éclater, n'est utilisé que pour quelques allers-retours. "Le Discoplant étant un matériel un peu léger, il n'y a pas suffisamment de poids à l'avant du tracteur pour équilibrer celui-ci avec la planteuse à l'arrière", explique Fabien Monte à regret. Choix est donc fait de s'en passer... avec un certain succès. La planteuse seule ne défonce par les buttes pré-formées. "La structure des buttes est très bonne voire meilleure que les années passées, remarque le chef de culture. Le développement racinaire du couvert et les gelées assez fortes de cet hiver ont bien aidé". Ce qui conforte l'agriculteur à penser que la réussite du
Plantation de pommes de terre dans des buttes pré-formées à l'été précédent. Crédit Photo : Fabien Monte
couvert végétal à l'automne est sans doute le point essentiel de la réussite de la technique. Concernant l'implantation, les pommes de terre sont placées à 18 cm de profondeur dans la butte. Si le chef de culture juge que c'est suffisant, il souhaitait atteindre 20 cm idéalement. Le poids et l'équipement de la planteuse ne le permettent pas. Fabien Monte pense donc qu'une dent fine atteignant cette profondeur devant la planteuse serait tun plus afin de créer ce surplus de terre meuble en profondeur. Outre ce point technique, il maintien qu'il est nécessaire de s'abstenir de réaliser la plantation trop tôt. Cette parcelle est d'ailleurs la dernière à être emblavée alors que les autres l'ont été entre le 09 et le 20/04/2021. C'est une condition sine qua non au ressuyage suffisant de la butte.

 

Le 11/05/21 : Désherbage avec 2 l/ha de Challenge, 0,25 l/ha de Centium, 0,3 kg/ha de Sencoral et 2,5 l/ha de Defi. La parcelle est historiquement propre. 

 

Le 13/06/2021 : Première intervention fongicide anti-mildiou à l’aide de 2 kg/ha de Raincoat trimanoc DG. L’objectif étant de protéger l’intégralité du feuillage, Fabien réalise cette intervention à raison de 150 l/ha de bouillie comme toutes les interventions fongicides qui suivent. Il ajoute systématiquement 1,5 kg/ha d’Epsotop. Compte tenu du mois de juin particulièrement pluvieux, il réalise une seconde intervention fongicide le 19/06/2021 avec 1,6 l/ha d’Infinito, puis une troisième le 24/06/2021 avec Revus à 0,6 l/ha. À ce stade, le chef de culture n’observe aucune différence de développement entre les pommes de terre implantées en direct dans la butte préformée l’été dernier et celles implantées après un travail du sol plus classique. « Les années précédentes une différence de biomasse aérienne en faveur du travail du sol classique était observable, mais cette année il n’est pas possible de distinguer les modalités. Hormis la pression maladie, les pommes de terre subissent peu de stress. Idem pour ce qui est du salissement de la parcelle. L’intervention herbicide et le développement rapide de la culture ont permis de contrôler parfaitement les adventices. »

Pommes de terre grêlées. Crédit photo : Fabien Monte

Le 28/06/2021 : Un orage de grêle sévit sur la parcelle détruisant une partie du feuillage et cassant de nombreuses tiges. « Je suis jeune, mais je n’ai encore jamais vu de tels dégâts, note Fabien Monte. Cet épisode climatique ouvre en grand les portes au mildiou ».

 

Le 29/06/2021 : Quatrième intervention fongicide à l’aide de 1,6 l/ha d’Infinito. L’intervention est ré

Pommes de terre 10 jours après avoir été grêlées. Fabien Monte
alisée le lendemain de l’épisode de grêle afin de fermer la porte au mildiou le plus vite possible. Le rythme de protection reprend ensuite avec une cinquième intervention le 03/07/2021 avec 0,6 l/ha de Revus. Le 07/07/2021, sixième intervention fongicide à l’aide une nouvelle fois de 0,6 l/ha de Revus. « Pour le moment, nous n’avons pas à déclarer de mildiou dans la parcelle, mais la pression reste très forte », estime Fabien Monte. La protection fongicide se prolonge durant tout l'été à raison d'une intervention tous les 5 jours en alternant les produits commerciaux et les molécules actives. Au total, Fabien Monte a réalisé 17 interventions fongicides sur la parcelle. "La parcelle a globalement bien tenu face au mildiou même si nous déplorons quelques tâches de la maladie par ci par là."

Le 11/09/2021 : Défanage des pommes de terre par un passage de broyeur d'abord et l'application de 1 l/h de Spotlight le 12/09/2021. La culture était encore très poussante avant cette étape de défanage. "Nous n'avons pas observé de différence significative de biomasse aérienne entre les différentes modaliés", souligne l'agriculteur. Il note que quelque soit la méthode d'implantation, il y a peu de tubercules par pied. Si la moyenne pluriannuelle oscille entre 8 et 14 tubercules par pied, l'année 2021 risque de dépasser difficilement les 8.  Le rendement devrait cependant être au rendez-vous mais pas la qualité malheureusement.

Le 08/10/21 : Arrachage des pommes de terre dans de très bonnes conditions. Après des précipitations apportant environ 40 mm d'eau et un temps sec par la suite, l'humidité du sol est idéale pour réaliser l'arrachage sans risque d'abimer les tubercules. A première vue - Fabien Monte attend les résultats définitifs -, il n'a décelé aucune différence de qualité et de rendement entre sa conduite classique et le prébuttage d'automne. "La seule différence significative que j'ai pu noter concerne la tare terre, souligne-t-il. Dans la modalité prébuttage, elle est presque 50% supérieure alors que l'arracheuse a consenti à réduire sa vitesse pour évacuer le plus de terre possible au champ. Avec les conditions de l'année, cela n'a pas engendré de difficulté particulière, mais cela pourrait être le cas en conditions difficiles." Cela étant, Fabien Monte valide clairement la technique même si elle mérite encore quelques adaptations. Lui réfléchit à opérer un coup de fraise juste avant la plantation pour limiter l'augmentation de la tare terre. En attendant, il estime qu'une structure comme la SCEA Dequidt pourrait à terme recourir au prébuttage pour 2/3 de sa surface en pommes de terre sans prendre trop de risque.

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