Il ajuste la nutrition de son maïs en réalisant des analyses foliaires ou des analyses de sève en cours de végétation

L’analyse du végétal permet de revenir au vrai sens de la protection des cultures. Avant de défendre sa culture, il convient de comprendre pourquoi les bioagresseurs sont présents. Les analyses foliaire et de sève permettent de toucher cela du doigt selon la famille Gässler.

 

L’analyse foliaire est aussi bien réalisée sur cultures d’automne que sur cultures de printemps. Ici, la parcelle recevra bientôt un maïs suivi par l’analyse foliaire et peut être même de sève. Crédit Photo : Marie-Thérèse Gässler

 

«Ce n’est pas parce qu’un sol n’est pas carencé que les plantes qui poussent dessus ne vont pas l’être», prévient Marie-Thérèse Gässler, co-gérante de la Ferme de la justice. C’est ce qui l’a poussée, avec son père Alfred Gässler, à réaliser régulièrement des analyses foliaires – de tissus – sur les cultures et à réfléchir à l’analyse de sève aussi. «John Kempf a mis en évidence que pour obtenir une récolte en quantité et en qualité, une plante doit être bien nourrie et équilibrée chimiquement afin de fonctionner à son optimum. Pour s’assurer de son équilibre, il est donc indispensable de suivre la culture par une analyse du végétal. Une plante dont la nutrition est améliorée nécessite moins de protections fongicides et insecticides, poursuit Marie-Thérèse Gässler. Qui dit plante mieux équilibrée dit meilleur fonctionnement et donc meilleure photosynthèse et moindre sensibilité aux bioagresseurs. Nous avons pu observer ce phénomène sur la ferme, notamment sur le blé. Le fait d’effectuer des analyses foliaires remet une question centrale sur la table : pourquoi les bioagresseurs sont-ils là ? Avec l’avènement de la chimie, nous avons oublié cette question. Avec l’analyse foliaire, nous y revenons.» Le but d’une meilleure photosynthèse est aussi une meilleure alimentation de la biologie de sol par les exsudats, permettant par la suite à la plante d’être alimentée par la biologie.

Pulvériser les nutriments dès réception des résultats d’analyse

«Jusqu’à maintenant, nous pratiquons l’analyse foliaire – ou analyse de tissu – qui consiste à analyser la composition des feuilles les plus jeunes totalement développées.» Il n’y a pas vraiment de prérequis à cette technique, hormis suivre scrupuleusement le protocole de prélèvement. Si la pratique est peu développée dans l’Hexagone, il existe suffisamment de références désormais avec cette pratique pour que le laboratoire puisse proposer des recommandations de nutrition de la plante. Dès la réception des résultats, c’est-à-dire une semaine après le prélèvement en moyenne, il convient de réaliser l’apport nécessaire par pulvérisation foliaire. «Ce qui impose donc, et c’est peut-être le bémol de la technique, de disposer des produits de nutrition sur l’exploitation ou de s’assurer qu’ils sont en stock et disponibles chez son distributeur pour être appliqués rapidement, note Marie-Thérèse Gässler. Cependant, ce sont souvent les mêmes éléments qui viennent à manquer. Sur notre ferme, c’est le bore et le magnésium. Et puis il faut aussi rétablir les situations d’excès, vis-à-vis des antagonismes possibles, tout aussi pénalisantes que les carences.»

Aujourd’hui, Marie-Thérèse et son père réfléchissent à recourir à l’analyse de sève. «John Kempf indique ne pas observer de corrélation entre les analyses de tissus et ce qu’il se passe au champ. Or, il observe ces corrélations avec l’analyse de sève. La méthode d’analyse explique cela et la sève représente vraiment les nutriments véhiculés dans la plante.» Cette technique souffre toutefois de moindres références que l’analyse de tissus.

 

Itinéraire cultural du maïs au fil de la campagne 2019/2020

 

Le 25/07/2019 : récolte du précédent orge de printemps avec un rendement de 62 q/ha sur la parcelle «Le clocher» de 21 ha de limons sableux. La paille est broyée lors de la récolte.

 

Couvert végétal avant maïs. Crédit Photo : Marie-Thérèse Gässler
Le 04/08/19 : Semis d’un couvert végétal avec un semoir de semis direct Semeato. Le semoir est réglé à 2-3 cm de profondeur. Le mélange est composé de 5 kg/ha de ray-grass anglais, 20 kg/ha de maïs, de 4 kg/ha de trèfle raboteux, de 4 kg/ha de trèfle d’Alexandrie, de 10 kg/ha de tournesol, d’1 kg/ha de Phacélie et de 20 kg/ha de vesce. Les conditions de semis sont très sèches et empêchent un développement correct du couvert.

 

Le 05/03/2020 : Apport de 43 kg/ha de soufre élémentaire recommandés à la suite d’une analyse de sol.

 

Le 09/04/2020 : Épandage de 80 l/ha de thé de compost oxygéné afin de favoriser la biologie du sol en y apportant des micro-organismes. Le couvert en place mesure 30 à 40 cm. « C’est un couvert décevant qui n’a pas produit suffisamment de biomasse », note Marie-Thérèse Gässler.

 

Le 29/04/2020 : Désherbage de la parcelle avec 2 l/ha d’Erla Super 360 adjuvanté de 0,4 l/ha de Mix-In, de 0,04 l/ha de Silwet, de 1 kg/ha de sulfate d’ammoniac. Le tout est pulvérisé par un spracoupe à raison de 25 l/ha de bouillie pour détruire le couvert en prévision du semis de maïs.

 

Le 30/04/2020 : Fertilisation en plein de la parcelle à raison de 407 l/ha de solution 39. Ce qui représente 159 unités d’azote par hectare. La totalité des besoins du maïs est apportée avant le semis pour éviter tout risque de brûlure en végétation. C’est un premier essai.

 

Les 02 et 03/05/2020 : Semis direct du maïs à l’aide d’un semoir spécifique Semeato. Trois variétés sont implantées à 4-5 cm de profondeur – à cause de la forte pression de corbeaux – et à raison de 100 000 grains/ha : Benedikto sur 6,5 ha, DKC 2788 sur autant de surface et Sy Calo sur 8,5 h

Semis direct de maïs dans un couvert végétal vivant avec un semoir semeato. Crédit photo : Alfred Gässler
a. Toutes les semences, achetées, sont traitées au Prothioconazole et metalaxyl (Redigo M). Dans la ligne de semis est incorporé 170 l/ha de thé de compost oxygéné grâce à une cuve frontale. L’objectif est de favoriser la biologie du sol dans l’environnement direct des graines afin d’en améliorer leur développement. Dans la ligne de semis sont aussi ajoutés 2 kg/ha d’anti-limace Carakol. En même temps sont placés sur la ligne de semis 90 kg/ha de polysulfate et 90 kg/ha de 18-46. La parcelle a reçu 40 mm dans les jours qui ont précédés le semis.

 

Le 03/05/2020 : Roulage pour coucher le couvert et refermer la ligne de semis.

 

Le 05/05/2020 : Épandage de 4 kg/ha d’anti-limace. Malgré la dose apportée au moment du semis, des limaces sont visibles dans la ligne de semis et des graines déjà mangées malgré la présence de carabes. L’humidité résiduelle du couvert fait de ce ravageur un danger important pour les premiers stades de la culture.

Parcelle de maïs semée en direct dans un couvert végétal. Crédit photo : Marie-Thérèse Gässler

 

Le 13/05/2020 : Pulvérisation de 1 l/ha d’Erla super 360 adjuvanté de 0,2 l/ha de Mix-in et 0,01 l/ha de Silwet pour finir de détruire le couvert qui ne l’était pas totalement.

 

Plantule de maïs semé en direct. Crédit photo : Marie-Thérèse Gässler

Le 22/05/2020 : Observation des premiers maïs pointant à la surface. Depuis le semis, la parcelle a reçu 32 mm supplémentaires.

 

Le 30/05/2020 : Désherbage avec 0,75 l/ha Pampa Premium 6 OD (60 g de nicosulfuron) adjuvanté de 0,6 kg/ha sulfate ammoniac et de 0,06 l/ha Silwet. Le tout pulvérisé à 30 l/ha et à 25 km/h avec un Spra-coupe de nuit. Le maïs arbore cinq feuilles mais les adventices sont aussi présentes et se développent.

 

Le 04/06/2020 : Prélèvement foliaire pour analyse de sève à 7h00 du matin

Maïs au stade 5-6 feuilles semé en direct dans un couvert végétal. Crédit photo : Marie-Thérèse Gässler
avant qu'un nouveau cycle de photosynthèse commence. Pour ce faire, Marie-Thérèse Gässler prélève la dernière feuille entièrement développée, soit la troisième feuille en partant du bas, d'un grand nombre de pieds de maïs à travers la parcelle afin de remplir un sachet de congélation de 1 litre. Le maïs est au stade 5-6 feuilles. L'échantillon est envoyé par Chronopost au laboratoire le plus rapidement possible.

 

Le 08/06/2020 : Les résultats de l'analyse tombent... Ils révèlent une carence du m

Résultat analyse de sève
aïs en molybdène et en silicium avec respectivement moins de 0,05 ppm et 25,2 ppm. "Un taux de molybdène trop faible peut se traduire par une mauvaise transformation des nitrates contenus dans la plante en protéines, souligne Marie-Thérèse Gässler. L'analyse montre d'ailleurs une très forte teneur en nitrates alors que le prélèvement a été réalisé le matin... avant le démarrage d'un nouveau cycle photosynthétique de la plante. La concentration en nitrates et en ammonium dans la plante devrait donc être faible ." La carence en silicium, de son côté, "traduit avant tout une activité biologique du sol moyenne". L'analyse révèle aussi un pH de 5,4 alors que le pH idéal est compris entre 6 et 7. Désormais, il faut attendre des conditions propices pour réaliser les apports nécessaires.

 

Le 12/06/2020 : 12 mm sont tombés sur la parcelle durant la nuit.


Le 16/06/2020 : A la faveur d'une légère pluie de 3 mm, pulvérisation de 0,35 l/ha de molybdène chélaté en soirée sur la culture au stade 6-7 feuilles.

 

Le 29/06/2020 : Second prélèvement foliaire en respectant les mêmes règles q

Deuxième analyse de sève sur maïs
ue pour le premier un mois plus tôt alors que le maïs arbore 7 feuilles. L'objectif est de vérifier l'efficacité des pulvérisations foliaires effectuées à la suite de la première analyse et d'intervenir à nouveau si la teneur d'autres éléments apparaît trop faible. "Il n'existe pas de calendrier de prélèvements mais idéalement on pourrait imaginer en réaliser 15 jours après l'application des oligo-éléments pour vérifier leur bonne assimilation, note Marie-Thérèse Gässler. Cette stratégie reste cependant coûteuse et chronophage." Les résultats de l'analyse tombent le 30/06/2020 : la teneur en fer, en soufre, en zinc et en silicium est faible. La teneur en silicium était déjà faible lors de la première analyse foliaire et aucun apport n'a été effectué pour la corriger. Ce qui explique qu'elle insuffisante.

 

Le 03/07/2020 : Pulvérisation de 2 l/ha d'Estive (0,5 % Mn + 1,5 % Zn + 0,5 % Si) et 1,5 l/ha de Gefizine (170 g/l Zn + 210 g/l SO3) sur un maïs à 7 feuilles en profitant de l'humidité matinale. "Suite à un défaut de commande, la concentration de Silicium d'Estive est trop faible pour espérer combler la déficience en cet élément", note Marie-Thérèse Gässler.

 

Le 13/07/2020 : Troisième prélèvement foliaire afin de vérifier l'efficacité de la pulvéri

Maïs à huit feuilles souffrant de la sécheresse. Crédit Photo : Marie-Thérèse Gässler
sation l'ayant précédé. Si le prélèvement est toujours réalisé tôt le matin, il consiste cette fois-ci à prélever séparément les jeunes feuilles - la troisième feuille en partant du haut - et des feuilles plus vieilles - troisième feuille en partant du bas - alors que la maïs compte 8 feuilles. Deux échantillons permettant d'évaluer la dynamique des éléments dans la plante. Les résultats de l'analyse reçus le 14/07/2020 montrent qu'hormis le silicium qui fait encore défaut, les autres éléments ne manquent pas. Ils ont même tendance à être en excés. Marie-Thérèse Gässler avoue "qu'avec des références qui sont encore peu nombreuses, il est difficile de doser précisément les éléments à apporter par pulvérisation." Aussi note-t-elle que les ions ammoniums et nitrates affiche toujours une teneur élevée alors qu'elle devrait être proche de 0. La plante ne les valorise pas totalement. Un prélèvement sera effectué prochainement car si la teneur des différents élements est correcte aujourd'hui, elle ne le sera pas forcément dans quelques semaines.

 

Le 17/07/2020 : Pulvérisation de 0,3 l/ha de Mozart (4 g/l de Si) à la faveur d'un brouillard matinal épais. L'objectif est de remonter enfin la teneur en silicium de la plante à une valeur satisfaisante.

 

Le 09/09/2020 : Malgré 25 mm de pluie reçus aux alentours de la mi-août, les m

Maïs souffrant de la sécheresse. Crédit photo : Marie-Thérèse Gässler
aïs souffrent terriblement du manque d'eau. A tel point que Marie-Thérèse et Alfred Gässler se posent la question de la valorisation de la culture. "Comme nous ne possèdons pas le matériel de récolte, le coût de la prestation entre en ligne de compte pour la décision finale... Et il n'est pas certain que le coût du passage de la moissonneuse-batteuse soit couvert par la récolte de maïs. Nous avons cependant encore quelques semaines pour nous décider. En attendant, nous avons fait le choix de ne plus investir dans des analyses de sève supplémentaires car c'est avant tout le manque d'eau qui pénalise la culture. Bien plus qu'une éventuelle carence en un élément nutritif." 

Le 03/11/2020 : Récolte du maïs grain avec un rendement de 20 q/ha alors que le potentiel est plus proche de 90 q/ha. C'est un résultat forcément décevant pour Marie-Thérèse et Alfred Gässler, mais qui ne remet pas en cause la pratique des analyses de sève. En effet, un rendement si faible est avant tout le résultat d'un déficit hydrique très prononcé sur la parcelle et intervenu très tôt dans le cycle de la culture qui a sans doute été semée un peu tardivement. Alfred estime qu'il aurait été utile "de semer trois semaines plus tôt" alors que lui a souhaité attendre le retour des pluies pour le faire. Concernant les analyses de sève, Marie-Thérèse tire toutefois un enseignement au regard de l'année : "Dès la mi-juillet, nous avons fait le choix de stopper les analyses foliaires car la principale carence cette année reste l'eau. Et sans eau pour les assimiler, il aurait été abberant d'apporter des éléments nutritifs par voie foliaire." Alfred et Marie-Thérèse restent toutefois convaincus de l'intérêt des analyses de sève pour mieux gérer la nutrition des plantes et ainsi réduire le recours aux produits de protection des plantes.

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