Les virus, première cause de mortalité des abeilles

Les virus causent bien plus de dommages aux ruches que les produits phytosanitaires. © photografiero/Adobe Stock

«La mortalité des abeilles n’a jamais été aussi importante que l’hiver dernier, indique Philippe Lecompte, apiculteur professionnel dans la Marne et président du Réseau biodiversité pour les abeilles (RBA). Contrairement aux idées reçues, les produits phytosanitaires, et notamment les néonicotinoïdes (NNI), ne sont pas responsables de cette mortalité sans pareille. Le développement des populations de virus en est la principale cause. »

60 virus létaux sont présents en permanence dans une ruche. À partir d’un certain seuil, les défenses immunitaires des abeilles ne suffisent plus à y faire face. Elles développent des pathologies et s’affaiblissent jusqu’à mourir. Philippe Lecompte ne comprend pas. «Depuis plus de 10 ans, les scientifiques alertent sur le développement des populations virales et des conséquences dévastatrices associées mais personne ne veut l’entendre.»

L’apiculteur estime que les savoirs scientifiques peinent à être diffusés auprès des apiculteurs. Seulement 12% d’entre eux pensent que les virus représentent un problème pour les ruches, dixit l’Anses. «C’est malheureusement trop peu, se désole Philippe Lecompte. Nous sommes dans le déni. Il faut changer de raisonnement et avoir une autre vision de l’apiculture et de ses problématiques.»

Des alertes sur les ruches qui ne datent pas d’hier

Depuis les années 1980, plusieurs parasites exotiques ont colonisé la France, dont le varroa. Ils représentent de véritables portes ouvertes aux viroses. Sur le territoire français, les abeilles n’ont pas évolué avec ces parasites, ce qui explique leurs difficultés pour s’en protéger. «Un virus se multiplie de manière intense, ce qui conduit indéniablement à des erreurs de multiplication génétique et au développement de nouvelles souches», explique l’apiculteur. Transmetteur direct et indirect, le varroa recombine des virus et amplifie leur pathogénicité. Il se crée alors une compétition entre les virus et les hôtes qui les combattent.

«Nous assistons à une réelle problématique virale qui mérite d’être expliquée aux apiculteurs et combattue par eux», prévient Philippe Lecompte. Celui-ci s’offusque de constater que ces deux dernières années, de nombreuses publications portaient sur le virus des ailes déformées (virus DWV), transmis par le varroa. À bas niveau, celui-ci provoque des troubles majeurs sur l’orientation spatiale et le système nerveux des abeilles. «Nous avons encore peu de connaissance et pourtant l’alerte sur cette question de virologie existe depuis les années 1980 et est amplifiée depuis les années 2000! Aujourd’hui, près de 30% du budget destiné à la recherche en apiculture est consacré à la lutte contre le varroa. Mais rien n’est prévu pour étudier les conséquences des virus et leurs effets dévastateurs sur la santé de l’abeille.»

Les 70% du budget restant sont destinés aux financements d’études sur l’impact des produits phytosanitaires sur la mortalité des abeilles. «Ces recherches sont fortement médiatisées. On peut donc aisément comprendre pourquoi les produits phytosanitaires (les NNI, les SDHI et même le glyphosate) attisent autant le mécontentement des apiculteurs, s’insurge Philippe Lecompte. Les produits phytosanitaires sont le bouc émissaire de l’apiculture alors qu’il n’y a pas de preuve scientifique qu’ils sont responsables de la mortalité massive et récurrente des abeilles.» Certes, les laboratoires sont en capacité de mesurer une concentration infime de produits phytosanitaires dans les ruches. Mais quid de son effet sur la santé de la ruche?

Pour l’apiculteur professionnel, le déploiement de techniques comme la spectrométrie de masse permettrait de déterminer la présence et l'impact d’attaques virales, et autres stresseurs, afin d’anticiper les problématiques liées à la santé des ruches. «Il faut investir dans cette nouvelle technologie extrêmement prometteuse, explique l’apiculteur. C’est une des conditions pour sortir des débats conflictuels entre agriculture et apiculture.»

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