«La connaissance nous libère de la peur»

Pesticides dans l'air : «La connaissance nous libère de la peur». © Pixel_B/Adobe Stock

Agacée par les données publiées sur la pollution atmosphérique par les pesticides, Annette Lexa, toxicologue réglementaire, cherche à remettre du bon sens sur l’appréciation des risques chimiques vis-à-vis de l’homme.

« Il faut arrêter le catastrophisme. Les données diffusées par Générations futures sur la qualité de l’air ne doivent pas être lues de façon orientée et anxiogène, précise Annette Lexa. Ces études montrent qu’entre 2002 et 2017 la qualité de l’air s’est nettement améliorée. Nous devons communiquer de façon positive et optimiste. »

Nous ne sommes pas tous égaux face aux risques

Il n’existe pas de valeurs toxicologiques de référence pour les pesticides présents dans l’air. « La qualité de l’air s’améliore et pourtant la communication sur le sujet reste anxiogène. Pour relativiser, j’ai établi un scénario d’exposition du pire cas, totalement maximisant et irréaliste. En admettant qu’un individu respire chaque minute de sa vie l’air extérieur, celui-ci aura respiré une quantité de produit phytopharmaceutique 20000 fois inférieure à la dose journalière admissible (DJA). Dans la réalité, ce scénario est irréaliste puisque nous passons 90% de notre temps en intérieur ! Comme la technique s’est améliorée et a évolué au fil des années, il est désormais possible de détecter des taux extrêmement faibles. Les chiffres se mesurent en centièmes de nanogrammes, largement en dessous de la DJA. Alors pourquoi créer une sinistrose sur le sujet ? », s’exaspère la toxicologue.

Annette Lexa explique que le risque est fonction du danger par l’exposition et qu’il doit être pris en compte pour prédire le risque auquel l’individu est exposé. « Si nous ne communiquons que sur le danger de la substance, nous mentons et manipulons les données. Nous entendons souvent parler de l’effet cocktail. Mais il est extrêmement difficile (voire impossible) de prédire comment l’organisme réagit face à l’ensemble des molécules présentes dans l’air, quand on sait qu’elles s’ajoutent à ce que nous mangeons, à nos médicaments… À part pour les familles de molécules à groupe chimique et effet semblables, il n’est pas possible de modéliser le risque d’un mélange de molécules. Elles passent toutes dans le sang, subissent une transformation enzymatique au niveau du foie, qui peut créer des substances plus toxiques ou au contraire les dégrader pour les éliminer. Certains mettent en avant des études sur cultures cellulaires pour annoncer un risque pour notre santé et affoler, dénonce la toxicologue. C’est totalement impensable de prédire le risque toxique d’une substance sur un organisme sans respecter la méthodologie scientifique basée sur une sélection pertinente des données de la bibliographie

Substances synthétiques ou naturelles, faux débat

Dans l’air, comme dans l’eau et le sol, tous les types de profils toxicologiques des molécules font l’objet de recherches. Des pesticides d’origine agricole mais également des pesticides d’origine urbaine, utilisés pour les animaux domestiques ou pour l’industrie, sont retrouvés. « Dans l’étude d’ATMO France, le lindane, insecticide interdit d’utilisation en France depuis 1998, se retrouve dans les analyses de l’air. La source de cette substance ne peut pas être d’origine agricole, s’insurge Annette Lexa. Il faut peut-être chercher l’origine ailleurs et faire des contrôles sur des produits importés hors Union européenne comme le bois exotique. C’est préoccupant ! Il faut demander davantage de contrôles et arrêter d’incriminer les agriculteurs ! »

La toxicologue ne comprend pas qu’on oppose substances chimiques de synthèse dangereuses et substances naturelles sûres. « Une substance naturelle comme le cuivre est persistante, bioaccumulable et toxique. Si les pratiques n’évoluent pas, nous risquons de dépasser un certain seuil dans les sols. Cela aura des conséquences négatives sur la faune du sol et la faune aquatique. Si les substances chimiques de synthèse sont si dangereuses pour l’organisme, pourquoi alors consommons-nous autant de médicaments, eux aussi de synthèse, sans s’inquiéter de leur toxicité ? », souligne la toxicologue.

« Communiquons de façon positive »

« Arrêtons de faire peur aux gens. En France et en Europe, le système réglementaire sur la santé et l’environnement est le plus exigeant au Monde. Les substances chimiques les plus dangereuses sont interdites, ce qui n’est pas le cas partout dans le Monde. Il faut plutôt encourager ces avancées et ne pas être alarmiste. » Pour la toxicologue, la pollution atmosphérique par les pesticides n’est pas un sujet sur lequel se focaliser. Depuis que le réseau ATMO France établit des données sur cette thématique, une nette diminution de cette pollution est constatée. « Je souhaite que l’on mette en avant les réussites et que l’on encourage le dialogue dans la société. L’espace médiatique est rempli d’écologistes pessimistes. C’est insupportable », conclut Annette Lexa.

 

 

À propos d'Annette Lexa

Annette Lexa est docteur en toxicologie, membre du réseau Eurotox, réseau européen des toxicologues. Elle est gérante de RCMA Expert, bureau d’études spécialisé en expertise toxicologique (évaluation du risque chimique santé et environnement) et toxicologie réglementaire.

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