« Le combat de Greta Thunberg est une aubaine pour notre agriculture »

Le message paraît provocateur, mais il est sincère dans la bouche de Michael Horsch, président de la marque de matériel agricole éponyme. Il voit dans le combat de la jeune activiste, une opportunité pour l’agriculture de se placer sur le marché du carbone.

 

Le prix de la tonne de CO2 pourrait devenir une belle manne financière pour l’agriculture si elle se donne les moyens de devenir une véritable solution au carbone. © TeamDaf/Adobe Stock

 

« Depuis près de vingt ans, c’est la première fois que nous avons une chance de nous placer comme solution incontestable sur un sujet qui touche et inquiète l’ensemble de la population : la lutte contre le changement climatique, lance Michael Horsch, lors des dix ans d’Agroforum organisés par la coopérative Agora le 29 janvier 2020. Nous avons l’opportunité de ne plus être la cible des attaques incessantes que nous subissons en nous concentrant tous ensemble sur les solutions apportées par l’agriculture pour stocker le carbone de l’air. » Cela demande bien évidemment du travail et un certain niveau de remise en cause.

 

Placer la physique et la biologie des sols avant la chimie

« Tout agriculteur qui laboure engendre l’émission de 1,6 t/ha de CO2 dans l’atmosphère dans les 24 heures qui suivent le passage de la charrue, avance le constructeur allemand. Il est difficile d’estimer si ce chiffre est important ou pas, mais il va à l’encontre de l’agriculture du carbone. » La ferme de la famille Horsch, en Bavière, n’est pas meilleure élève car l’évolution du taux d’humus dans ses sols est à la baisse. C’est une tendance claire. Justus Von Liebig, chimiste qui a marqué de son empreinte l’agronomie moderne, a certes eu raison pour l’agriculture de ces 90 dernières années mais il est peut-être en partie responsable de ces évolutions. Il a, en effet, placé la chimie comme premier pilier de la production agricole avant la physique des sols et leur biologie. Sans aucun doute faut-il replacer la physique des sols en premier au même niveau que la biologie, loin devant la chimie pour répondre aux enjeux de l’agriculture du carbone. C’est en fait s’orienter vers la fameuse troisième voie de l’agriculture : l’agriculture de conservation des sols qui peut aussi porter le doux nom d’agriculture régénérative.

 

5 à 10 t/ha/an de CO2 à capter

Pour Michael Horsch, cela revient d’abord à « réduire au maximum le travail du sol et à couvrir le sol le plus longtemps possible voire lui assurer une couverture permanente. Le stockage du carbone dans le sol passe nécessairement par la production de biomasse. Le soutien de l’activité biologique du sol est la clé d’un système qui capte du carbone, mais encore faut-il mieux la comprendre. Malheureusement, les scientifiques travaillant sur cette thématique restent peu nombreux. En parallèle, il convient de réduire le recours aux fertilisants minéraux et à la chimie. En suivant cette stratégie, et en maintenant les rendements actuels, il est aisément envisageable de capter 5 t/ha/an de CO2. En acceptant une perte de rendement des cultures de rente, il est sans doute possible de monter à 10 t/ha/an de CO2 captées ». Cette deuxième hypothèse ne peut être envisageable qu’à condition que la perte de rendement soit largement compensée par une rémunération pour la captation du carbone. À raison de 100 euros/tonne de carbone, cela représente une belle manne financière pour le monde agricole.

Le chiffre de 100 euros/t de carbone, Michael Horsch ne le choisit pas au hasard. Il est issu d’une déclaration du patron du groupe Volkswagen, Herbert Diess, à Davos, en Suisse, à l'occasion du dernier forum économique mondial. Il a en effet estimé que la taxe carbone était trop faible en Allemagne : « Je pense que le prix est trop bas. Je souhaite toujours une taxe CO2 plus élevée de la part des politiques. Voyons l'Europe : en Suède, nous avons plus de 100 euros/tonne et cela fonctionne bien. »

Replacer l’agriculture au centre des solutions pour le carbone

Comment transformer cette opportunité en une affaire pour le monde agricole. « C’est loin d’être simple, note Michael Horsch, et malheureusement nos lobbys agricoles et nos politiques ne font pas le travail nécessaire pour porter l’agriculture comme une solution au carbone auprès des acteurs concernés comme l’automobile par exemple. Ce secteur d’activité, en particulier, se tourne alors vers les organisations non gouvernementales ou des associations environnementalistes pour trouver des solutions qui consistent entre autres à planter des arbres à l’autre bout de la planète pour compenser leurs émissions. Et personne ne les informe du formidable puits de carbone en puissance qu’est le sol », s’irrite l’homme qui parle depuis peu à l’oreille du constructeur automobile Skoda, l’une des marques du groupe Volkswagen.

Les constructeurs automobiles sont de bons clients pour les puits de carbone agricoles

Skoda, comme toutes les autres marques du groupe allemand, subit donc une grosse pression pour réduire les émissions de CO2 de son industrie. Si l’on prend l’ensemble du cycle de vie d’une voiture qui parcourt 200000 km, l’empreinte CO2 de sa production représente 15%, celle de son utilisation 80% et 5% en ce qui concerne son recyclage. Pour ce qui est de la production, 87% (des 15%) sont émis par les sous-traitants du constructeur. Les 13% restants sont dus au montage au sein des usines du constructeur selon Michael Horsch. Si des efforts peuvent évidemment être faits, le constructeur ne peut pas réduire ses émissions de CO2 à néant.

Si la moyenne de la flotte de véhicules vendue par un constructeur automobile dépasse 95 g/km d’émission de CO2, gare à l’amende salée. © tarikdiz/Adobe Stock

 

C’est sans compter que depuis le 1er janvier 2020, les véhicules particuliers neufs vendus dans l’Union européenne sont limités à une émission de 95 g/km de CO2 (pour les véhicules thermiques, cela correspond à une consommation de l’ordre de 3 l pour 100 km), sous peine de pénalités financières imposées aux constructeurs de 95 euros/g/km de CO2 excédentaire par véhicule. Des pénalités qui mettraient à mal la rentabilité de chaque véhicule vendu. Pour que la moyenne de tous les véhicules vendus soit sous cette barre fatidique, la seule solution à court terme pour les constructeurs, c’est le véhicule électrique. Et dès 2020, il faudrait que 20% de la flotte de véhicules vendus soit électrique. Et même s’ils y parvenaient, il leur resterait encore une problématique marketing et d’image de marque. Le cycle de vie d’un véhicule électrique émet encore 16 t de CO2 dans l’atmosphère. Il y a donc fort à parier que les constructeurs cherchent des certificats carbone pour compenser cette épine qu’ils gardent dans le pied. Une opportunité à ne pas rater pour l’agriculture qui est capable de proposer ce service, même si ce ne sera pas facile.

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