Lobbies : qui influence vraiment l’agriculture ?

Syndicats agricoles, associations environnementalistes, firmes phyto… Tous lobbies ? Qui influence aujourd’hui nos responsables politiques en matière d’agriculture, et doit-on changer les règles du jeu ou d’état d’esprit en matière de lobbying ? La question a été posée à Bertille Thareau, sociologue à l’ESA d’Angers, ainsi qu’à diverses personnes liées au monde agricole. Une enquête parue dans Cultivar de novembre-décembre.

En expliquant sa décision de quitter son poste du Gouvernement fin août, Nicolas Hulot avait mis en cause le rôle des lobbies. Nucléaire, glyphosate ou plan alimentation : sur certains dossiers où le ministre n'avait eu gain de cause, le poids des lobbys avait été évoqué. Pour Bertille Thareau, enseignante-chercheuse en sociologie à l’ESA d’Angers, et titulaire de la Chaire des Mutations Agricoles, le mot lobby est connoté négativement en France, à la différence d’autres pays comme la Belgique ou les Pays-Bas «où la culture de la négociation est plus forte». Selon elle, les lobbies sont des groupes ou des organisations qui défendent des intérêts pouvant être financiers, politiques, sociétaux ou professionnels, et qui cherchent à influencer les responsables politiques dans la mise en œuvre des politiques publiques. «Dans ce sens, les syndicats professionnels, les fédérations d’entreprises, mais aussi les associations environnementales ou de défense des animaux sont des lobbies !», affirme-t-elle.

Confrontation des idées

Si dans les années 60, la politique agricole s’établissait à huis clos entre l’État et la profession agricole, représentée par le syndicat majoritaire, nous assistons depuis les années 70 à une ouverture de la négociation avec le pluralisme syndical et l’intégration de nouveaux acteurs dans la définition même de la politique agricole, intégrant de nouveaux arguments alimentaires, sanitaires ou environnementaux, poursuit la sociologue. «Il y a ainsi une confrontation d’enjeux autour de la question agricole. En parallèle, la culture politique a aussi évolué pour donner plus de place à la participation des citoyens dans le débat», évoque Bertille Thareau, qui reconnaît qu’en France, la culture est davantage à la confrontation avec «des arguments parfois simplistes, binaires, extrêmes» qu’à la négociation. «Aux Pays-Bas, j’ai vu des éleveurs de porcs et de volailles échanger avec des associations welfaristes pour expérimenter des pratiques d’élevage et faire ensemble des propositions législatives sur le bien-être animal. »

Pour construire les politiques publiques, l’objectif est, d’après elle, de s’appuyer sur des expertises venant du terrain, produites notamment par les groupes d’intérêt – les Anglo-Saxons parlent de parties prenantes – et de plus en plus demandées par l’administration comme par les élus. «Il faut être capable de faire remonter cette expertise mais ce n’est pas simple. Si certains lobbies travaillent à partager leur expertise, d’autres mobilisent les médias pour sensibiliser l’opinion publique sur des arguments simples souvent basés sur l’émotion. Les autres modes d’action classiques des lobbies :  soutiens politiques et dons semblent plus contrôlés et moins utilisés. »

Davantage de transparence et d’échanges

En termes de transparence, les choses semblent s’améliorer pour Bertille Thareau. «Cette volonté de transparence dans les négociations s’est notamment vue lors des débats sur les États Généraux de l’Alimentation, avec des argumentations rendues publiques, qui rentraient davantage dans une culture bruxelloise de la négociation. Cette transparence des groupes d’intérêts est importante pour clarifier le rôle des politiques aujourd’hui : il s’agit d’organiser la négociation pour construire l’intérêt commun.»

Les postures semblent aussi évoluer chez les agriculteurs. L’agriculture ne correspond plus à une discussion sectorielle termine la sociologue. «Il suffit d’avoir des discussions avec les jeunes en formation agricole, ou d’observer les agriculteurs sur les réseaux sociaux, pour comprendre l’importance pour eux d’échanger sur leurs pratiques, de s’inviter dans les sphères médiatiques, pour participer aux débats sur la mise en œuvre d’une politique publique agricole qui se veut davantage en phase avec un intérêt commun.»

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