La filière blé dur française en mode reconquête

Un nouveau plan stratégique pour le blé dur français. Crédit : rachid amrous/Adobe Stock

Malgré une récolte catastrophique en 2021, nos cousins canadiens dominent de la tête et des épaules le marché mondial du blé dur, à la fois pour les volumes produits et les volumes exportés. Mais la France n’est pas en reste, dans ce marché mondial très étroit (autour des 40 millions de tonnes); en 2021, le premier pays producteur de la zone euro a produit 1,6 million de tonnes, les prévisions à l’export sont estimées à 1 million de tonnes, dont 90% vers l’UE et 10% vers les pays tiers.

"C’est une petite filière, mais la France reste un intervenant majeur sur le marché du blé dur, nous avons besoin de pérenniser la filière et de la rendre plus performante", introduisait Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales, à la journée nationale de la filière blé dur qui s’est tenue le 1er février 2021 à La Rochelle. Cette journée a été marquée par la présentation d’un nouveau plan stratégique pour la filière blé dur, résultat d’une étude commanditée par Intercéréales, l’AGPB, FranceAgriMer et le syndicat représentant les semouliers et les pastiers (SIFPAF-CFSI). Cette étude a été confiée au cabinet Ceresco.

Le blé dur, une culture "casino" pour les producteurs

La France tient un rôle stratégique quant à l’approvisionnement des transformateurs en Europe et dans les pays méditerranéens, mais les producteurs de blé dur en France ne se bousculent plus. "Rappelons qu’il y a 40 ans, on semait le blé dur au printemps; grâce aux progrès variétaux, les semis d’automne ont permis à la France de devenir un grand pays producteur. Mais c’est une culture compliquée et risquée sur le plan technique, commente Jean-François Loiseau. C’est une culture «casino», soit on gagne beaucoup, soit on perd beaucoup à cause des freins techniques et de l’incertitude sur le prix", précise Bertrand Oudin, président du cabinet Ceresco, et d’ajouter "et de nombreux autres défis sont devant les producteurs: hausse des charges et enjeux liés aux intrants, comme l’azote, l’eau…" Autre élément d’incertitude, celui des prix: "En l’absence de marchés à termes, il y a d’une part une décorrélation entre le prix payé et la qualité, mais aussi un manque de lisibilité pour les producteurs. La production française est dépourvue de protections face aux chocs externes", analyse le responsable de l’étude.

Des organismes stockeurs rarement spécialisés en blé dur

Autre problématique pour la filière, les difficultés rencontrées par les OS. "D’une part, ils sont rarement spécialisés en blé dur. D’autre part, la plupart des volumes sont contractualisés avec les industriels, mais l’approvisionnement est rarement sécurisé. Ils ont certes une position largement stratégique, mais ils sont confrontés à l’hétérogénéité des lots, et aux difficultés liées au stockage et l’allotement, sans parler des exigences réglementaires qui s’imposent, comme le zéro pesticides au stockage, par exemple", détaille Bertrand Oudin.

Du côté des transformateurs, on évoque un marché des pâtes et de la semoule, certes relativement stable, mais avec des perspectives sécurisantes. "Végétalisation de l’alimentation et notions du local et du respect de l’environnement sont des garanties vis-à-vis du consommateur", précise le responsable. Toutefois, les industriels déplorent un manque de fluidité du côté des approvisionnements, et des difficultés à segmenter l’offre et à créer de la valeur.

Innover, contractualiser, investir et valoriser

Sur la base de ce constat, la filière s’est dotée d’un plan stratégique pour assurer la pérennité de la filière. 4 axes ont été retenus:

  • la valorisation: par la mise en place d’une démarche "blé dur prémium" qui valorise la qualité à la production et à la logistique qui en découle;
  • la contractualisation: la filière s’engage à contractualiser 50% des volumes produits destinés au marché français dans un délai de 3 ans;
  • l’innovation: la filière souhaite que l’État s’engage auprès des sélectionneurs pour la mise en place d’un plan ambitieux de sélection variétale. À ce sujet, il a été rappelé que seulement 2 sélectionneurs français (RAGT et Florimond Desprez) sont encore présents sur le marché du blé dur, contre une dizaine il y a quelques années;
  • l’investissement: il est proposé un plan d’investissements massifs à tous les maillons de la filière (producteurs, collecteurs, transformateurs, sélectionneurs, transporteurs, exportateurs) pour atteindre les objectifs de la démarche "blé dur prémium".

La montée en gamme doit permettre à la filière de redonner un peu d’oxygène tout en sécurisant les volumes, les prix payés aux producteurs et en répondant aux attentes des consommateurs et des industriels. Voilà l’ambition du nouveau plan de la filière. Le président Jean-François Loiseau estime que, dans ce contexte, la production française pourrait atteindre les 1,8 million de tonnes. Le projet stratégique va s’écrire dans le détail ces prochains mois.

 

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