Le sarrasin bio, victime collatérale du prosulfocarbe

Pulvérisateur

La récolte du sarrasin coïncidant avec celle des traitements d’automne, cette culture est très exposée à la contamination par des résidus de produits phytopharmaceutiques.

Crédit photo Marritch/Adobe Stock
Parmi les problèmes liés à l’usage des produits phytopharmaceutiques, se pose celui de la dérive de pulvérisation. Cette pollution peut entraîner des conséquences parfois irrémédiables. C’est notamment le cas lorsque les résidus viennent se déposer sur des parcelles cultivées en agriculture biologique.

De nombreux producteurs de cette plante laissent aujourd’hui éclater leur colère. La raison : des analyses qui attestent d’une contamination de certaines de leurs parcelles par des résidus de substances chimiques. Les représentants de ces cultivateurs tirent la sonnette d’alarme car ce problème survient pour la 4e saison consécutive. La récolte du sarrasin coïncidant avec celle des traitements d’automne, cette culture est ainsi très exposée.

Un coupable omniprésent...

Si plusieurs produits phytosanitaires sont régulièrement relevés lors des analyses, l’un d’entre eux se trouve majoritairement impliqué : le prosulfocarbe. Cela ne surprend guère les scientifiques, étant donné qu’il se retrouve à la 2e place des herbicides les plus vendus en France, mais surtout, ce composé organique est particulièrement volatile. Ainsi, il est davantage concerné encore par la problématique des dérives de pulvérisation…

>>> À lire : Effluents phytosanitaires : tout gérer au champ ?

Mais d’autres substances actives sont également retrouvées dans les analyses post-récoltes auxquelles est soumise toute production en agriculture biologique. On peut citer la pendiméthaline, fréquemment mise en cause elle aussi.

De lourdes conséquences économiques

Pour l’heure, les dégâts s’accumulent dans les exploitations. En effet, le sarrasin bio qui se retrouve contaminé devient invendable. La Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) évalue les pertes cumulées à plus d’un demi-million d’euros pour les producteurs touchés.

De plus, sa forte volatilité entraîne une quasi-impossibilité de déterminer la source de la pollution. Ainsi, sans savoir qui a utilisé le prosulfocarbe incriminé, il est bien difficile de désigner une responsabilité juridique. Les producteurs de sarrasin touchés ne peuvent donc prétendre à une quelconque indemnisation !

Pour Philippe Camburet, président de la Fnab et lui-même cultivateur dans l’Yonne, cette situation crée un découragement qui mène des professionnels à renoncer à cette culture, pourtant prometteuse et permettant de dégager des revenus substanciels. Sans parler des risques pour les organismes exposés.

« La particularité de ces molécules devient un vrai problème de santé publique. Car on les retrouve partout, y compris dans l’air que l’on respire dans nos métropoles, précise Philippe Camburet. C’est un produit (le prosulfocarbe) qui arrive en masse car il est un substitut à une molécule désormais interdite, il est peu cher et garde encore un peu d’efficacité. On comprend donc qu’il soit aussi utilisé. »

Quels leviers pour agir ?

« Nous avons un premier axe sur la sensibilisation. Car nous entendons encore trop souvent des professionnels qui disent ne pas être informés du risque que cela représente ! Il n’est plus tolérable en 2023 de rencontrer des utilisateurs qui ne semblent pas au courant du phénomène.

En deuxième axe, nous demandons un fonds d’indemnisation. Car il y a un préjudice. Nous avons une filière qui est en train de s’écrouler, et c’est aussi une question de souveraineté alimentaire. Notre production de sarrasin est très déficitaire en France, et ce problème survient alors que la culture est en train de se relancer ! » conclut Philippe Camburet.

Pour Julien Bourgeois, vice-président de FOREbio, il serait pertinent que ce fonds spécial soit financé par la redevance pollution diffuse. Il demande aussi la prise en compte de ce risque économique par le dispositif FMSE (Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental).

Une réaction à point nommé…

Alertée depuis longtemps sur ce problème de dérive de pulvérisation, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail vient de rendre, le 2 octobre, sa décision en imposant un durcissement des conditions d’utilisation pour le prosulfocarbe.

Le texte édicte notamment une forte réduction des doses autorisées à l’hectare ou encore rend obligatoire l’utilisation de buses spécifiques, conçues pour limiter les pertes suite à la pulvérisation.

Peut-être un premier pas pour redonner confiance à la filière du sarrasin bio en France.

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