Afrique et Asie: faut-il continuer à privilégier les petites exploitations ?

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Depuis la Révolution verte, le développement agricole centré sur les petites exploitations est considéré comme favorable à la croissance économique, la réduction de la pauvreté et le renforcement de la sécurité alimentaire. Mais cette conception a changé ces dernières années, note Peter Hazell, économiste du développement, dans un Point de vue  publié par la fondation Farm. En Afrique et en Asie, le nombre de petites exploitations augmente. Il est peu probable que la plupart d’entre elles puissent vivre durablement de l’agriculture. Dans ce contexte, faut-il réorienter les stratégies de développement vers les grandes exploitations, que beaucoup de gouvernements supposent mieux à même de relever les défis ?

 

Une tribune de Peter Hazell, économiste

En dépit d’importantes différences de situation par pays et par région, le modèle dominant dans une grande partie de l’Afrique et de l’Asie est la multiplication des petites exploitations agricoles, la diminution de la taille des fermes et une diversification accrue de leurs revenus. Malgré l’augmentation, parfois très rapide, du revenu national par habitant, il y a encore peu de signes d’une évolution vers des modèles de consolidation des exploitations agricoles et de migration des zones rurales vers les zones urbaines comparables à ceux observés lors de la transformation économique des pays actuellement industrialisés. Au contraire, relativement peu d’actifs quittent leurs exploitations agricoles pour la ville ; ils tendent plutôt à se diversifier dans une activité non-agricole, tout en conservant leur petite exploitation. On constate même que dans certains pays, la surface agricole totale tend à se concentrer au sein des petites fermes, au détriment des grandes exploitations. 

Cette transition agricole « inverse » engendre de nouvelles tensions et oblige à des compromis potentiels entre d’importants objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Pendant la Révolution verte, la croissance des petites exploitations agricoles était considérée comme une proposition gagnante pour la croissance économique, la réduction de la pauvreté et la sécurité alimentaire ; les préoccupations concernaient essentiellement les dommages causés à l’environnement. Cela est en train de changer. Les perspectives futures laissent en effet entrevoir une moindre complémentarité, à l’échelle nationale, entre les objectifs de croissance, de réduction de la pauvreté et de sécurité alimentaire, ce qui impose des choix plus difficiles aux décideurs politiques. Nul ne peut prétendre que toutes les petites exploitations agricoles actuelles (près de 500 millions, d’une surface inférieure à 2 hectares) ont un futur viable dans l'agriculture. Très souvent, la priorité devrait consister à les aider à se diversifier dans des activités non-agricoles ou à trouver des emplois hors-exploitation, voire à abandonner complètement l'agriculture. Toutefois, malgré le pessimisme prévalant ces dernières années quant à l’avenir des petites fermes, leurs situations sont en réalité très diverses, et il existe quantité d’opportunités commerciales viables pour les agriculteurs, sous réserve qu’ils bénéficient d’une assistance appropriée. 

Un ensemble de situations plus varié et polarisé

Les travaux de recherche distinguent généralement les petites et les grandes fermes, les agriculteurs et les agricultrices, ainsi que les exploitations pauvres et les exploitations riches. Toutefois, il serait plus pertinent, pour mieux cibler les politiques, de reconnaître les différences qui existent au sein de chacun de ces groupes, plutôt qu’entre eux. Une littérature de plus en plus abondante révèle que les exploitations agricoles se différencient de plus en plus par la taille et la stratégie des moyens d’existence, ainsi que par les forces du marché et les facteurs locaux qui ont une influence majeure sur leur avenir en tant qu’agriculteurs, et donc sur le type d’aide requis. Le fossé est également en train de se creuser entre les opportunités agricoles dans les régions dynamiques et dans les régions moins actives ou en retard de développement. Au niveau des petites exploitations agricoles, cela se traduit par un ensemble de situations plus varié et plus polarisé, qui doit être pris en compte lors du ciblage des investissements agricoles. Ce constat revêt une importance particulière si l’objectif est d’aider davantage de petites exploitations à devenir des entreprises prospères et rentables.  

 

Repenser le rôle des petites exploitations agricoles dans les stratégies de développement

Des recherches approfondies sont nécessaires pour développer et tester la pertinence des typologies des petites exploitations agricoles et évaluer les formes d’intervention les plus efficaces pour chaque type de petit agriculteur. Il faut également examiner comment intégrer aux mieux les interventions en agriculture avec les politiques et les investissements complémentaires, tels que la mise en place de filets de sécurité ainsi que l’accompagnement vers la sortie de l’agriculture et la diversification dans des activités hors-exploitation. Un autre défi consiste à élaborer des méthodes pratiques d’identification des différents groupes d’exploitations sur le terrain. Beaucoup de travaux récents utilisent les systèmes d’information géographique (SIG) et les méthodes d’analyse spatiale pour identifier des régions cibles à des fins de développement rural. La plupart de ces travaux visent à cartographier les différentes régions en termes d'agro-écologie, d’accès au marché et de densité de population rurale, mais il y a eu jusqu’à présent peu de recherches visant à ventiler plus finement les données selon les différences existant, entre agriculteurs, en matière de dotation en ressources, d’orientation vers le marché et de genre.

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À propos de l’auteur

Docteur en économie, Peter Hazell a consacré sa carrière à la recherche et au conseil sur les politiques de développement agricole international. Il a occupé différents postes au sein de la banque mondiale et de l’institut international de recherche sur les politiques alimentaires. Il a été professeur au Collège Impérial de Londres et professeur chercheur associé à l’Ecole des Etudes Orientales de l’université de Londres. 

 

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